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L’Origine de la Relation Franco-Qatarie

Un Regard sur l'Histoire

Par Saoud AL-AHBABI Colonel à l’Etat-Major des armées qatariennes

 

La France et le Qatar entretiennent des relations très étroites depuis la naissance de la nation qatarie lors de son indépendance en 1971. À cette occasion, le représentant de la nouvelle nation à l’Organisation des Nation des Unies aurait officiellement demandé l’adhésion de l’émirat à l’ONU en français. La France fut par ailleurs l’un des premiers pays à accueillir une mission diplomatique qatarie, avec l’ouverture de l’ambassade du Qatar en France dès 1972. Par la suite, le Cheikh Khalifa ben Hamed AL Thani a renforcé cette relation en faisant un déplacement dans l’Hexagone dès 1974 lors duquel il a acheté une maison dans le Sud de la France. C’est aussi à cette époque que la famille royale qatarie prit l’habitude d’employer des précepteurs de France pour que les enfants Al Thani puissent apprendre le français dès leur plus jeune âge. Si on voulait mieux comprendre le présent, on doit plonger un peu plus dans l’histoir.

En réalité, la première mention de la dénomination « Qatar » figure dans une version de la carte de Ptolémée, géographe et astronome qui vécut à Alexandrie au IIe siècle après Jésus-Christ, sous le nom du fort « Katara »[1]. Mais le Qatar n’est devenu un État indépendant que depuis une cinquantaine d’années. Cette péninsule aride de faible densité de population, vraisemblablement désertée par les habitants à certaines périodes de la préhistoire et de l’histoire du fait de changements climatiques aggravant la rareté des ressources en eau, a pourtant suscité au cours des siècle les convoitises de ses voisins, puis celles des Occidentaux à cause de sa position stratégique sur les routes maritimes reliant la Mésopotamie au sud de la péninsule Arabique, puis celles reliant l’Europe à l’Inde. Après avoir connu une relative prospérité grâce à la pêche et au commerce des perles sur la côte, complétés par l’élevage nomade dans l’intérieur, le Qatar sombre dans la pauvreté après la ruine de l’activité perlière dans les années 1920. Mais du pétrole est découvert dans l’est de la péninsule qatarie à Dukhan en 1939. La Seconde guerre mondiale retarde son exploitation commerciale qui commence en 1950. Cela procure de nouveaux revenus et incite les Britanniques à fixer les frontières de leur protectorat face aux appétits saoudiens.

Le 3 septembre 1971, le Qatar, protectorat britannique, proclame son indépendance. A cette époque la France qui a été une puissance coloniale a déjà accordé l’indépendance à ses colonies d’Asie, puis d’Afrique. Elle a connu une croissance économique rapide durant la période appelée les Trente Glorieuses[2] avant le choc pétrolier de 1973 et le Général de Gaulle a mené une politique extérieure active guidée par la volonté constante de garantir l’indépendance de la France face aux autres puissances[3]. Au début de ce chapitre, après un rappel de l’histoire du Qatar dans le contexte de la péninsule Arabique, je m’attarderai sur la politique des Britanniques et sur les relations compliquées entre le Qatar et Bahreïn. Dans la suite du chapitre, je montrerai pourquoi le nouvel État a évité de se tourner exclusivement vers son ancienne puissance coloniale ou vers les États-Unis dans le monde bipolaire de la guerre froide et a développé ses liens avec la France qui disposait de plusieurs atouts pour devenir un partenaire privilégié du nouvel État.

  1. La longue histoire vers la naissance de l’État du Qatar

Les premières traces de la présence humaine au Qatar attestées par l’archéologie remontent au paléolithique[4]. A partir de 1976, les premières missions archéologiques françaises fouillent dans toute la péninsule et découvrent des sites de différentes périodes pas seulement dans la partie occidentale du Qatar fouillée dans les années 1950 par les Danois, puis à partir de 1973 par les Britanniques. L’équipe dirigée par le Professeur Jacques Tixier[5] a mis à jour un important matériel néolithique. Elle a aussi fait progresser les connaissances sur l’âge du bronze au Qatar. Aux sites de l’âge du bronze exhumés par les archéologues s’ajoutent ceux de l’âge du fer concentrés sur la côte ouest de la péninsule du Qatar dans laquelle on a trouvé des milliers de cairns.[6]

La découverte de tessons de céramique datés de la fin du troisième millénaire à Ras Abrouq, un cap de la côte occidentale du Qatar, et la découverte du site d’Al Khor au nord de Doha montrent que les habitants du Qatar participaient de la culture de Dilmun, cité-état fondée au IIIe millénaire avant J.-C. sur l’île voisine de Bahreïn qui occupait une position stratégique sur les routes commerciales entre la vallée de l’Indus et la Mésopotamie et dont les marins naviguaient avec leurs boutres sur le Golfe, la mer Rouge et l’océan Indien. Dès cette époque, les habitants du Qatar plongeaient pour trouver des perles dans les eaux peu profondes du Golfe. En 2022, des archéologues ont découvert une perle vieille de plus de 6 500 ans dans une tombe à Wadi Al Debaian[7]. A la pêche des perles s’ajoutait le travail du murex, coquillage dont on extrait la pourpre, à l’origine de la couleur du drapeau national comme l’explique une vidéo du Musée national du Qatar[8].

  1. Un élément mineur de vastes empires

Vers 2 350 avant J.-C., la région de l’actuel Qatar passe sous le contrôle de l’empire de Sargon d’Akkad, l’un des premiers grands empires mésopotamiens. Les successeurs de Sargon maintiennent leur pouvoir jusqu’à environ 2 200 avant Jésus-Christ.

Diverses puissances étrangères ont régné sur la région du Golfe de 1700 avant J.-C. à 700 après J.-C. Tout d’abord, l’empire assyrien, puis à mesure que la domination assyrienne s’effondrait, les Babyloniens se renforçaient. Vers 600 avant J.-C., ils conquièrent les territoires assyriens de la région du Golfe, mais ils ne les contrôleront pas longtemps. En l’espace de cinquante ans, les Perses conquièrent Babylone et intègrent la péninsule Arabique à leur vaste empire.

En 325 avant J.-C, Alexandre le Grand, conquérant macédonien, lance une marine grecque dans le golfe Persique. Après sa mort, son empire est divisé entre quatre de ses généraux. Seleucus prend la tête du territoire englobant le Qatar qui prospère sous son règne et celui de ses successeurs, les Séleucides. Toutefois, en 250 avant J.-C., les Parthes, puissance perse, chassent les Grecs du Golfe. L’hégémonie perse sur le Golfe atteint son apogée au troisième siècle de l’ère chrétienne, sous l’autorité des Sassanides qui ont gouverné la région pendant environ quatre siècles.

Figure 1 : Carte historique de la région du Golfe

Source : https://www.lhistoire.fr/portfolio/larabie-avant-lislam

Bien que la péninsule soit à peine habitée à cette époque, plusieurs localités de pêcheurs et de négociants en perles s’y sont développées.

La plus grande d’entre elles, Al Bida, était située près de l’emplacement actuel de Doha. Jusqu’au 7e siècle après J.-C., la principale religion était le zoroastrisme, religion officielle de l’empire sassanide, mais les Qataris étaient adeptes de différentes religions. Certains embrassaient des croyances polythéistes, tandis que d’autres suivaient le judaïsme ou le christianisme. Malgré l’existence de preuves historiques attestant de la présence du christianisme dans le Qatar préislamique, très peu de traces archéologiques de cette période subsistent, à l’exception des vestiges d’un édifice identifié comme une église nestorienne à Al Wakrah.

En moins de deux décennies après la mort de Mahomet, la quasi-totalité des habitants de la péninsule sont convertis à l’islam et ont joué un rôle important dans la propagation de la nouvelle religion au-delà de l’Arabie. Deux grandes familles se sont succédées à la tête du califat, qui a autorité, entre autres, sur les habitants du Qatar, les Omeyyades de Damas, de 661 à 750, puis les Abbassides de Bagdad de 750 à 1258 et le Qatar semble avoir prospéré à l’ère abbasside.

  1. Une position stratégique convoitée par les Européens

La chute de Bagdad en 1258, à la suite de l’invasion mongole dirigée par Gengis Khan, a marqué la fin de la dynastie des Abbassides et a déclenché une lutte pour le contrôle du Qatar impliquant les Perses, les Ottomans et les Portugais. Ces derniers ont pris possession du détroit d’Ormuz en 1507.

  • Les Portugais, premiers colonisateurs européens

La région qui comprend le Qatar a subi l’influence de colonisateurs européens du fait de sa position sur leurs routes commerciales. Au début du XVIe siècle les Portugais établissent leur domination sur le golfe Persique et l’océan Indien. Pour garantir leurs intérêts dans le Golfe, les Portugais y ont érigé des forts et envoyé des navires de guerre. Cela leur a donné le contrôle du commerce et la navigation.

De nombreux sites côtiers de l’est de l’Arabie saoudite, du Yémen, d’Oman, des Émirats arabes unis et de Bahreïn possèdent encore des vestiges de forts portugais. Au Qatar, en revanche, il n’y a pas de ruines portugaises notables. Ce fait, ainsi que le fait que la péninsule du Qatar a souvent été omise des cartes dessinées à cette époque et qu’elle n’est pas mentionnée dans les rapports des visiteurs de l’époque, a conduit les chercheurs à penser qu’elle avait été désertée par ses habitants au XVIe siècle.

  • L’avancée du contrôle britannique

Pendant la majeure partie des XVIe et XVIIe siècles, les Portugais sont en conflit avec diverses nations, notamment l’Empire ottoman, les Perses et les Britanniques, pour le contrôle du Golfe. En 1650, le Portugal est chassé de ses bastions du Golfe et la péninsule Arabique est alors divisée entre les Ottomans et les Britanniques. Bien que les Ottomans revendiquent l’ensemble de la péninsule Arabique, leur autorité ne s’étend pas jusqu’au sud. La Grande-Bretagne, la puissance européenne dominante de l’époque, exerçait un contrôle plus important sur les pays actuels que sont le Qatar, les Émirats arabes unis, Oman et le Yémen. Les Britanniques se sont intéressés au Golfe en raison de leur importante colonie des Indes. Pour maintenir ouvertes les principales routes commerciales entre l’Inde et l’Angleterre, ils avaient besoin de bases pour leur formidable flotte. La Grande-Bretagne entendait également empêcher ses concurrents européens, comme la France, d’obtenir des territoires dans la région du Golfe.

  1. Aux sources d’un État qatari

Le tribalisme comme mode d’organisation socio-économique et la richesse du sous-sol en hydrocarbures sont des clés pour comprendre cet ancien protectorat britannique. Cette importance des tribus n’est d’ailleurs pas spécifique au Qatar et prévaut dans toute la péninsule Arabique comme l’a analysé pour leur rôle encore aujourd’hui Laure Masson dans sa thèse sur Dubaï[9]. Dans ce milieu aride les frontières n’ont pas de sens pour les tribus nomades dont les chefs, les cheikhs, ont des alliances changeantes.  Dans ce contexte de désert et de pauvreté, les hydrocarbures ouvrent une nouvelle ère dans l’histoire du pays qui devient riche, se modernise et devient un État moderne.

  1. L’importance des tribus

Au début du XVIIIe siècle, une tribu de bédouins nomades, les Bani Utub (au singulier Bani Utba), a quitté le cœur de la péninsule Arabique pour s’installer sur les rives du golfe Persique.

Figure 2 : Les migrations des Bani Utub

D’après https://fanack.com/bahrain/history-of-bahrain/bahrain-the-british-since-the-seventeenth-century/

La figure 2 montre les migrations successives des Bani Utub issus du Nedj. Leur première colonie se trouvait dans l’actuel Koweït, où ils ont découvert en abondance poissons et huîtres perlières. La tribu était divisée en trois grands clans, les Al Sabah, les Al Khalifa et les Al Jalahima, qui se partageaient la responsabilité de la colonie, l’Al Jalahima étant chargé de la pêche, l’Al Khalifa du commerce des perles et l’Al Sabah de l’administration.

Les Al Khalifa et Al Jalahima ont choisi de migrer vers d’autres lieux dans les années 1760. Ils quittèrent le Koweït pour s’installer sur la côte nord de la péninsule du Qatar, où ils fondèrent Zubarah. La nouvelle communauté, qui a maintenu des liens avec le Koweït, s’est rapidement développée pour devenir un centre important de commerce et de perles.

Quand les forces omanaises stationnées à Bahreïn attaquent Zubarah dans les années 1780, en réponse les familles qatarie et koweïtienne des Bani Utub ont uni leurs forces et conquis Bahreïn. Les Al Khalifa ont pris le contrôle de l’île et ont formé une dynastie qui règne encore aujourd’hui sur Bahreïn.

Cela a donné l’occasion aux Al Jalahima de prendre le contrôle de la péninsule du Qatar. Ils s’installent dans une autre partie de la côte du Qatar où ils établissent une nouvelle communauté, Al Khuwayr, sous la direction de Rahman ibn Jabir al-Jalahima. Ils s’en servent comme base pour cibler les navires en provenance d’Iran et de Bahreïn et Rahman ibn Jabir devient rapidement l’un des pirates les plus redoutés de la région. Cependant, les Al Sabah du Koweït déplacent leur commerce vers Bahreïn et l’importance de Zubarah (qui reste sous l’autorité des Al Khalifa) et d’Al Khuwayr diminue. La péninsule du Qatar devient rapidement insignifiante et peu habitée. Pour se défendre contre les incursions bédouines, les quelques habitants qui restent érigent des murs et des forts autour de leurs établissements.

  1. Vers un protectorat britannique

Au début du XIXe siècle, les Britanniques étaient déterminés à mettre fin à la piraterie et à sécuriser la région qu’ils nomment Côte des Pirates. En 1820, la Grande-Bretagne a signé un accord de paix avec les cheikhs, ou chefs de tribaux, qui vivaient sur la côte de la péninsule Arabique. En échange d’une protection contre les Ottomans ou d’autres pays, les chefs tribaux étaient censés lutter contre les pirates et donner à la Grande-Bretagne un rôle dans leurs relations avec les autres nations.

  • L’antagonisme avec Bahreïn

Les Britanniques considéraient que le Qatar faisait partie du « sheikhdom[10] » de Bahreïn gouverné par les Al Khalifa et ne prirent pas la peine de négocier un contrat distinct avec les chefs tribaux de la péninsule de Qatar. Ils ont donc été pris de court lorsque des pirates ayant leur siège à Doha ont attaqué des navires britanniques en 1821. En représailles, les Britanniques ont envoyé des navires de guerre dans la région et ont bombardé Doha. Des conflits intermittents se poursuivront au cours des cinq décennies suivantes.

En 1867, une armée bahreïnienne met à sac Doha et Al Wakrah. Suite à une offensive qatarie sur Bahreïn, les Britanniques décident de conclure un accord. Le colonel Lewis Pelly, agent politique de la Grande-Bretagne dans la région, négocie un accord de paix qui reconnaît pour la première fois le Qatar comme une entité politique indépendante de Bahreïn.

« Mohammad bin Thani, issu de la tribu des Al Maadheed, liée aux Banu Tamim, se fait alors le porte-parole du peuple qatarien »[11]. Aux yeux des Britanniques, ce membre d’un puissant clan bédouin originaire du Nedj et implanté au Qatar, est le véritable souverain de la péninsule qatarie. Les descendants de Muhammad ibn Thani ibn Muhammad dirigent toujours le Qatar aujourd’hui comme on le voit dans le tableau qui présente la liste des souverains Al Thani avec les dates de leur règne.

Tableau 1 :  La dynastie des Al Thani

Nom du Cheikh Début du règne Fin du règne
Muhammad ibn Thani ibn Muhammad 1868 1876
Jassim ibn Muhammad Al-Thani 1876 1913
Cheikh Abdullah ibn Jassim Al-Thani 1913 1949
Ali ibn Abdullah Al Thani 1949 1960
Ahmad ibn Ali Al Thani 1960 1972
Khalifa ibn Hamad Al Thani 1972 1995
Hamad ibn Khalifa Al Thani 1995 2013
Tamim ibn Hamad Al Thani 2013 à nos jours
  • Les alliances pragmatiques des Al Thani

 

Sous la direction de Cheikh Muhammad ibn Thani, son clan est passé de Fuwairat à Doha en 1847 et a progressivement étendu son contrôle du nord de la péninsule qatarie à l’ensemble de la péninsule au milieu des années 1860, concluant des accords en 1851 avec l’émir saoudien Faisal bin Turki pour renforcer son influence. En septembre 1868, le cheikh Muhammad ibn Thani « signa l’agrément de paix proposé par le colonel Pelly[12], promettant de résider en paix à Doha ; d’en référer au Résident anglais pour toute dispute et de maintenir de bonnes relations avec ‘Alî ibn Khalîfa, shaykh de Bahrain »[13].

En juillet 1872, contre l’avis de son père, son fils Jassim ibn Muhammad Al-Thani, voulut entrer sous la souveraineté des Turcs qui venaient de s’emparer des oasis d’al-Hasa, dans l’actuelle province Orientale d’Arabie Saoudite.  Jassim mise sur les Turcs pour sauvegarder les intérêts du Qatar. Il se plie au contrôle ottoman et reçoit le titre ottoman de Qaim-Maqam qui signifie gouverneur adjoint. Les Turcs entreprennent de renforcer leur position sur la péninsule du Qatar. Ils placent des administrateurs turcs à Zubara, Doha, Wakrah et Khor al-Udaid. Ils renforcent leur garnison à Doha.

Menant une politique pragmatique, comme le font ses descendants jusqu’à nos jours, « Jassim Al-Thani s’accommode des Ottomans et des Britanniques, usant des uns pour modérer les ardeurs et l’influence des autres, et inversement »[14]. Cependant, des désaccords persistants se multiplient entre les Ottomans et le cheikh Jassim qui mène une campagne et bat les soldats turcs en 1893 à al-Wajbah, à quinze kilomètres à l’ouest de Doha. Poussés hors du Qatar, les Ottomans conservent leur juridiction nominale sur la région, mais perdent toute influence sur le territoire.

En 1913, lorsque les Turcs abandonnent leurs prétentions sur la péninsule qatarie et que Cheikh Abdullah ibn Jassim succède à son père comme émir du Qatar, les Britanniques le reconnaissent comme souverain. « Face à l’expansionnisme saoudien, les Britanniques engagent des négociations avec Ibn Saoud, ce qui débouche en 1915 sur un traité dans lequel ce dernier accepte de ne pas s’ingérer dans la politique intérieure des émirats liés à la Grande-Bretagne.  Le Qatar est donc protégé par les Britanniques. »[15]

  • Deux traités de protectorat avec le Royaume-Uni

En 1916, Cheikh Abdullah conclut un pacte avec le Royaume-Uni, comparable à ceux conclus par les Britanniques avec les autres émirats de la côte, les États de la Trêve. Le Qatar accepte de céder le contrôle de sa politique étrangère à la Grande-Bretagne en échange d’une protection contre les invasions et du soutien britannique à la dynastie Al Thani. Un deuxième traité, conclu en 1935, réaffirme la puissance du protectorat britannique au Qatar. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’enjeu du Qatar pour les Anglais est de contrôler les routes maritimes : « as we recognize that our interests in the Katr peninsula are purely confined to the maintenance of order along it coasts and on the adjacents seas… »[16]. Au cours du XXe, l’intérêt britannique pour Qatar persiste, mais va devenir lié à la richesse du sous-sol en hydrocarbures.

  1. L’enjeu des hydrocarbures

L’Anglo-Persian Oil Corporation a été créée en 1909 un an après la découverte d’un gisement de pétrole en Iran en 1908. Cette compagnie, contrôlée à partir de 1914 par le gouvernement britannique vu l’intérêt non seulement économique mais aussi stratégique du pétrole, ne s’intéressait pas qu’à l’Iran. Elle se tourna aussi vers les territoires arabes du Golfe. En 1935, année de la consolidation de la présence britannique au Qatar comme mentionné dans le paragraphe précédent, une concession onshore fut accordée par Cheikh Abdullah ibn Jassim à l’Anglo-Persian Oil C°. Le premier gisement découvert a été productif en 1940.

Du fait de la Seconde Guerre mondiale le premier baril est exporté seulement en 1949, par le port d’Umm Said, dans le sud du pays, où les pétroliers avaient accès aux eaux profondes. Le 5 août 1949, Cheikh Abdullah ibn Jassim signe une concession offshore avec la Central Mining and Investment Corporation Ltd., une compagnie basée à Londres, mais aussi avec la Superior Oil Company américaine, premier signe du renforcement dans le Golfe de la puissance des États Unis, déjà alliés des Saoudiens. Quelques jours plus tard, le 20 août, Cheikh Abdullah abdique en faveur de son fils Cheikh Ali ibn Abdullah Al Thani. Une nouvelle phase a commencé pour le Qatar.

Le 1er septembre 1952, un nouvel accord a été conclu avec l’Iraq Petroleum Company – rebaptisée ensuite Qatar Petroleum Company – en vertu duquel le Qatar recevait 50 % des recettes des exportations de pétrole. C’est dès cette époque que Cheikh Ali a jeté les bases d’une structure administrative pour gérer les revenus du pétrole.

  1. L’Indépendance de l’État du Qatar

Pendant des centaines d’années, le Royaume-Uni a été l’une des plus grandes puissances du monde, avec des colonies impériales dans le monde entier. Toutefois, lorsque la Seconde Guerre mondiale s’est achevée en 1945, la puissance britannique avait été sévèrement réduite. En août 1947, la Grande-Bretagne a perdu l’Inde, une partie essentielle de son empire, et de nombreuses autres colonies britanniques ont rapidement réclamé leur propre indépendance.

  1. Le refus d’une solution fédérale après le retrait britannique de l’est de Suez

Bien que les dirigeants de la côte arabe du Golfe du Qatar à l’Oman s’accommodent de la sécurité offerte par leurs accords avec les Britanniques, la Grande-Bretagne finit par conclure qu’avec l’indépendance de l’Inde, elle a perdu la principale raison de son engagement dans la région du golfe Persique. En janvier 1968, Harold Wilson, le Premier ministre travailliste, annonce que toutes les troupes britanniques seront retirées de l’est de Suez. Les Britanniques se libèreront de leurs obligations conventionnelles dans la région du golfe Persique dans un délai de trois ans. « Retirées d’Aden […], les forces britanniques, selon les plans d’austérité du gouvernement travailliste, devront avoir quitté le golfe Persique avant 1971 » [17].

L’intention première de la Grande-Bretagne, qui avait en tête le précédent de la décolonisation de la Malaisie, était que Bahreïn, Qatar et les États de la Trêve (les sept émirats qui constituent les Émirats arabes unis actuels) fusionnent pour former un État arabe fédéral.  Des documents importants, en arabe et en anglais, sur ce projet fédéral figurent dans les fonds d’archives émiraties. Ils sont en annexe de la thèse dans une traduction française (annexe ???). On découvre dans ces archives que le 28 février 1968 ont été signés entre Cheikh Zayed Ben Sultan Al Nahyan, gouverneur de l’Émirat d’Abou Dhabi, et Cheikh Rached ben Said Al Maktoum, Gouverneur de l’Émirat de Dubaï, simultanément un « Accord sur l’union des deux émirats : Abu Dhabi et Dubaï » et un « Accord de règlement des frontières maritimes entre Abou Dhabi et Dubaï ». Les deux gouverneurs, futurs Président et Vice-président des Émirats arabes unis, sont tous deux issus de la puissante confédération tribale des Bani Yas, le premier de la branche des Al Bu Falah, le second de la branche des Al Bu Falasah. Le même jour a aussi été signé un « Accord pour la création d’une fédération comprenant neuf États qui prendrait le nom d’Émirats arabes » entre les neuf gouverneurs des protectorats britanniques, les cheikhs du système traditionnel, dont cheikh Ahmed ben Ali Al Thani, Gouverneur du Qatar.

Cette idée de fédération de neuf États s’est effondrée rapidement, car les différents dirigeants ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur la manière de répartir le pouvoir dans un tel scénario et certains n’entendaient pas se fondre dans une fédération. Bahreïn a été le premier à proclamer son indépendance en août 1971, suivi par le Qatar le 3 septembre 1971. La nouvelle nation a rapidement rejoint les Nations unies et la Ligue arabe.

  1. Le règlement du contentieux bilatéral avec Bahreïn

Comme on l’a vu plus haut, il y a eu des tensions entre les Al Thani du Qatar et les Al Khalifa de Bahreïn et les Anglais ont arbitré les différends entre les cheikhs. Avec l’indépendance, les litiges ont dû être réglés pour fixer officiellement les frontières restées floues. Cela peut sembler étonnant puisque Bahreïn est une île et donc un territoire facile à délimiter géographiquement. Mais, Bahreïn avait des revendications historiques sur une partie du Qatar et sur un petit archipel très proche des côtes qataries comme on le voit sur la carte ci-dessous.

Figure 3 : La localisation des contentieux entre le Qatar et Bahreïn

Cela concernait aussi la délimitation des frontières maritimes. La question était complexe car le pouvoir des cheikhs reposait sur des allégeances tribales et pas sur des traités territoriaux. Le litige portait à la fois sur le nord-ouest de la péninsule qatarie qui fait face à Bahreïn et surtout sur l’île Hawar et les îlots voisins. Pour régler ces revendications croisées où le Qatar revendique les îles Hawar et Bahreïn la région de Zubarah, le Qatar a choisi la négociation et la médiation plutôt que le conflit en portant l’affaire devant la Cour internationale de justice de La Haye.

  • La question de Zubarah

Zubarah n’est plus habitée aujourd’hui et c’est un site archéologique classé par l’UNESCO. Elle fut fondée vers 1760 par les Al Khalifah venus de Koweit qui la quittèrent pour Bahreïn en 1783, puis détruite par les Al Thani en 1878 suite aux conflits incessants avec les Al Naïm. « Craint pour ses actes guerriers, ce groupe tribal s’est acquis une réputation d’opposants aux Al Thani jusqu’en 1937. Par contre son allégeance aux dirigeants de Bahreïn, les Al Khalifah, est admise pour la période de 1867 à 1950 environ […]. En conséquence, les Al Khalifah ont sans cesse revendiqué cette zone territoriale. »[18]. Alors que le contrôle de la totalité de la péninsule qatarie par les Al Thani s’est renforcé graduellement à partir de 1898, a été confirmé dans la Convention anglo-ottomane de1913 et est acquis sans contestation depuis la fin des années 1930, Bahreïn relance sa revendication sur Zubarah auprès de la Cour internationale de justice qui rejette cette demande à l’unanimité.[19] Mais le principal contentieux porte sur l’archipel d’Hawar.

  • Les îles Hawar

Hawar et les îlots voisins forment un archipel d’une superficie totale de 52 km2. Seule la plus grande île qui donne son nom à l’archipel est habitée. Deux villages de la tribu des Dawasir, qui a quitté l’Arabie saoudite pour Bahreïn en 1845, s’y installent au XIXème siècle. Le Qatar revendique ces îles au nom de la proximité géographique. Elles se trouvent à 1,9 km de sa côte occidentale alors qu’elles sont à 19 km de Bahreïn comme on le voit sur la figure 2. Bahreïn affirme au nom de la légitimité historique avoir exercé sa souveraineté sans interruption sur ces îles depuis deux siècles, ce qui a été confirmé par un arbitrage britannique contestable en 1939.

Lors d’une médiation saoudienne les deux dirigeants de Bahreïn et de Qatar devenus indépendants ne parviennent pas à trouver de compromis. Après l’échec de cette médiation, le Qatar porte la question à la Cour internationale de justice en 1991. Au bout de dix ans d’argumentations, de négociations et de débats de juristes sur ce cas complexe, les îles Hawar sont attribuées à Bahreïn par la majorité des juges en 2001[20].

En revanche, le haut-fond de Fasht al Dibal est attribué à Qatar qui récupère ainsi des eaux territoriales où sera découvert l’énorme gisement gazier offshore de North Dome. Bien que les décisions de la Cour internationale de justice soient définitives, Bahreïn, vingt ans après, revendique ce banc de sable et remet en cause les décisions de 2001.[21]

Les îles Hawar ne sont pas la seule dispute à propos de territoires insulaires dans le Golfe. Je n’évoquerai que celle qui concerne Abou Moussa, une île pétrolière de 90 km2 et les îlots de Petite Tomb et Grande Tomb. Les Iraniens appuient leurs revendications sur une carte de 1892 de la Royal Geographical Society qui leur attribue ces îles hautement stratégiques à proximité du détroit d’Ormuz. Les Qawassim (pluriel de Qasimi), grande tribu maritime dont sont issus les cheikhs de Sharjah et de Ras el Khaïmah, revendiquent aussi ces îles. Dans les années 1960, le Royaume Uni attribue Abou Moussa à son protectorat de Sharjah[22] et les deux Tomb à son protectorat de Ras el Khaïmah. Le jour de l’indépendance des Émirats arabes unis, l’Iran établit des installations militaires sur les trois îles avec l’assentiment de son allié américain. Suite à la révolution islamique, l’Iran occupe unilatéralement les trois îles depuis 1992. Les archives émiraties montrent que la position modérée du Qatar qui n’a pas de différend avec l’Iran et qui juge « qu’il serait préférable de régler les différends en paix afin de garantir la sécurité et la stabilité de la région »[23] contraste avec celle plus menaçante, malgré un langage diplomatique, de l’Arabie saoudite qui « étonnée par les actes de l’Iran qui a utilisé la force pour occuper les trois îles (…) espère que l’Iran va reconsidérer sa position »[24]. L’Arabie saoudite a longtemps vu dans ce conflit latent que les Émirats arabes unis ne souhaitent pas envenimer un prétexte pour s’affronter avec l’Iran en considérant que la question est du ressort de tous les États arabes riverains du Golfe.

  1. Les difficiles choix d’alliances au moment de l’Indépendance

Le Qatar n’est pas assez puissant au moment de son indépendance pour assurer seul sa sécurité. Il a des relations tendues avec Bahreïn qui avait eu des liens plus étroits avec les Britanniques. Mais la production de pétrole de Bahreïn, jamais été très élevée, culmine en 1970, puis décline à partir de cette date du fait de l’épuisement des gisements. De plus, Dubaï, plus proche du détroit d’Ormuz et où l’on découvre du pétrole dans les années 1960, se dote d’un port et d’un aéroport. Sous l’impulsion des Al Maktoum, cet émirat qui s’intègre aux Émirats arabes unis, commence son ascension pour devenir la grande plate-forme commerciale de la région au détriment de Bahreïn.

La perte de puissance de Bahreïn réduit le risque d’un conflit ouvert avec le Qatar. C’est surtout entre les deux puissances régionales, l’Arabie saoudite et l’Iran, tous deux alliés des Américains à cette époque, que le Qatar doit trouver sa place sans parler de la montée en puissance d’Abu Dhabi, principal émirat des Émirats arabes unis.

Figure 4 : La position géographique du Qatar, entre Arabie saoudite et Iran

Source : https://cafe-geo.net/geopolitique-de-la-peninsule-arabique-une-situation-explosive/

L’Iran à cette époque est appelé à devenir une puissance économique majeure.  C’est aussi une puissance militaire qui a modernisé son armée à partir de 1955 et a intensifié cette modernisation dans la décennie 1960. « Les forces armées iraniennes auront une dimension et un degré de qualification remarquable par rapport aux autres pays de la région (…). »[25] L’armée iranienne « possédait les armes offensives et défensives les plus sophistiquées de l’époque ».[26] Les prétentions iraniennes sur Bahreïn et l’occupation des îles de Grande Tomb, Petite Tomb et Abu Moussa par l’Iran ne pouvaient que rendre le Qatar méfiant envers ce puissant allié des États Unis.

Les relations entre le Qatar et l’Arabie saoudite sont compliquées. On pourrait penser que les deux voisins sont automatiquement alliés. En effet, la dynastie des Al Thani est issue des Banu Tamim, tribu prestigieuse dont est aussi issu le réformateur religieux Muhammad ibn Abd al-Wahhab, fondateur du wahhabisme et soutien des Saoud. Les deux pays sont majoritairement wahhabites et en 1902 Jassim ibn Mohammad Al-Thani recherche l’alliance d’Ibn Saoud pour se défendre contre l’émir d’Abou Dhabi, malékite et ennemi des wahhabites. Mais, les relations entre Ibn Saoud et le Qatar se dégradent et à la veille de la Deuxième guerre mondiale, Ibn Saoud a l’intention d’annexer le Qatar à son royaume. Déjà sous le Deuxième État saoudien (1824-1891) les Saoud exigeaient que les habitants du Qatar leur payent un tribut et se heurtaient à la résistance des tribus de la péninsule qatarie. Ainsi le Qatar, a dû se défendre d’attaques saoudiennes et des prétentions de ce voisin expansionniste, comme on le voit sur la figure 5.

Figure 5 : Les revendications frontalières saoudiennes au XXe siècle

D’après Ch. Dallaporta, « Les transferts institutionnels et politiques dans l’Émirat d’Abou Dhabi », Politique étrangère, n° 6, 1974.

Compte tenu des tensions avec son voisin saoudien concernant les frontières de son territoire, le Qatar n’est pas favorable à une alliance avec l’allié traditionnel de l’Arabie Saoudite.

Dans une configuration territoriale entre Arabie Saoudite et Iran, les deux « piliers » de la stratégie des États-Unis dans le Golfe, il existe pour le Qatar une alternative, ou au moins un contrepoids, à l’alliance avec l’Occident anglo-saxon : la France.

  1. Les réticences vis-à-vis de l’Occident anglo-saxon 
  • Les Britanniques

Durant la période du protectorat, les Britanniques ont joué double jeu avec le Qatar. On le voit sur la question des îles Hawar avec l’arbitrage de 1939. Cet arbitrage a été fait suite à des échanges de lettres en 1938 entre d’une part le cheikh de Qatar et l’agent politique britannique suite à l’occupation de Hawar, alors inhabitée, par Bahreïn en 1937 et d’autre part le cheikh de Bahreïn et l’agent politique britannique. En 1939, le souverain britannique informe les deux souverains du Golfe que les îles appartiennent à Bahreïn.

Bahreïn considère que c’est une sentence arbitrale, c’est-à-dire une décision d’un groupe d’arbitres qui s’impose aux deux parties. Qatar a un point de vue différent puisqu’il n’y a pas eu de compromis accepté par les deux parties et que c’est le roi d’Angleterre, dont ce n’est pas le rôle, qui a fixé unilatéralement les frontières entre ses deux protectorats. Mais c’est à cause de cette décision coloniale que les Hawar sont attribuées à Bahreïn en 2001. En réalité, l’arbitrage de 1939 n’était pas une décision de droit international, mais une décision géopolitique.

Les Britanniques ont toujours favorisé Bahreïn et mis longtemps, comme on l’a vu plus haut, à considérer le Qatar comme un territoire indépendant de Bahreïn. « Bahreïn, favorisée par ses sources d’eau douce, a été tout au long du XIXème siècle le partenaire privilégié de l’influence britannique, constituant une étape florissante et un point stratégique essentiel sur la route des Indes. La découverte du pétrole sur son territoire dès 1925 ne fit qu’accroître l’importance de Bahreïn. […] Alors que la Grande-Bretagne était représentée depuis 1823 par un Political Resident, responsable pour tout le Golfe, auquel était subordonné des Political agent dans les différents émirats, ce poste fut créé à Bahreïn en 1900, mais seulement en 1949 à Qatar. »[27]

Il y a donc de l’amertume envers les Britanniques au Qatar où ils n’ont pas laissé un bon souvenir et dont ils traitaient avec mépris les habitants. Cependant du fait de l’ancienneté de la présence britannique dans la région et du rôle des compagnies pétrolières anglaises dans l’histoire pétrolière du Qatar, les liens historiques entre les deux pays ne sont pas rompus après l’indépendance et le Royaume-Uni reste un partenaire pour le Qatar, non seulement dans le domaine commercial, mais aussi politique et militaire. Mais le Qatar ne leur laisse pas le monopole de ses alliances géopolitiques d’autant plus que le Royaume Uni qui a perdu son Empire a aussi perdu de sa puissance économique et stratégique.

  • Les États-Unis

Après la Deuxième Guerre mondiale, l’Europe est affaiblie et deux superpuissances, les États-Unis et l’Union soviétique, s’affirment. Les deux grands et leurs alliés forment les deux camps de la guerre froide, période de tensions sans affrontement armé direct entre les deux superpuissances, mais avec des crises sur des théâtres d’intervention extérieurs (Cuba, Berlin, Corée). Dans ce contexte, il était vital pour les Occidentaux, à cause de leur approvisionnement en pétrole et à cause de la position stratégique de la péninsule Arabique, que cette partie du Moyen-Orient ne tombe pas sous l’influence soviétique.

« Alors que le Royaume-Uni se retirait progressivement de la région du Golfe à la fin des années 1960 et au début des années 1970, les États-Unis affichèrent leur réticence à prendre de nouveaux engagements en matière de sécurité́, notamment parce qu’ils étaient embourbés au Vietnam. La Maison Blanche cherchait alors à̀ s’appuyer sur des alliés régionaux, une politique qui s’est généralisée sous le titre de « Nixon Doctrine ». En effet, à partir de 1969, le président Nixon décide de réduire l’engagement militaire américain dans le monde […] Dans le Golfe, cela implique de compter sur l’Arabie saoudite et l’Iran comme « piliers jumeaux » (Twin Pillars) de la sécurité́ régionale. »[28] .

Le Qatar, à cette époque, n’est pas du tout considéré comme une puissance, ni un allié potentiel par les Américains. C’est un nouvel État, de faible superficie, peu peuplé et beaucoup moins riche que ses voisins. Si l’on prend comme source les statistiques de la Banque mondiale, en 1971 le Qatar ne compte qu’à peine plus de 100 000 habitants et son PIB est de 387 millions de dollars. Sa production de pétrole est de 430 000 barils par jour selon l’annuaire statistique de British Petroleum. D’après les mêmes sources, l’Arabie Saoudite, l’année de l’indépendance du Qatar, a une population de plus de 6 millions d’habitants, un PIB qui dépasse 7 milliards de dollars et produit 4,8 millions de barils de pétrole par jour. L’Iran la même année produit 4,5 millions de barils de pétrole par jour, son PIB s’élève à 13 milliards de dollars et il compte 29 millions d’habitants. Si les États-Unis ouvrent une ambassade à Doha en 1973, leurs relations avec le Qatar ne s’épanouissent pas avant les années 1990.

  • Le pilier saoudien

Quand le Qatar devient indépendant, l’alliance américano-saoudienne a déjà quarante-cinq ans.  En 1926, Ibn Saoud détrône les Hachémites de La Mecque. Il est reconnu comme roi du Hedjaz et sultan du Nedjd et de ses dépendances. En 1932, il réunit ces territoires et fonde le Royaume d’Arabie saoudite. Les Américains reconnaissent immédiatement le nouvel État. En 1933, un accord est signé entre l’Arabie saoudite et la Standard Oil Company of California qui obtient le monopole de la prospection et de l’exploitation du pétrole. Les forages commencent en 1935 et l’exploitation commerciale en 1938. Washington va alors appuyer les intérêts privés américains et la compagnie pétrolière qui prendra le nom d’Aramco (Arabian American Oil Company). Une légation des États Unis est ouverte Djeddah en 1942, puis une ambassade en 1949.

Mais l’évènement plus important se produit en 1945 quand le roi d’Arabie saoudite et le président Franklin Roosevelt se rencontrent à bord du croiseur USS Quincy: les Saoudiens sont assurés de l’appui militaire américain en cas de menace et les États Unis du contrôle des ressources pétrolières. C’est un tournant géopolitique majeur dans la mesure où cela signifie l’arrivée d’un nouvel acteur de premier plan dans la région, les États-Unis qui considèrent désormais que la stabilité de la péninsule Arabique fait partie de leurs intérêts vitaux.

Figure 6 :La rencontre entre le président américain et le fondateur du royaume d’Arabie saoudite à bord du Quincy.

Ainsi, alors que les Britanniques se sont implantés dans la région à partir des côtes et par l’action de leurs diplomates pour sécuriser la route des Indes, les Américains se sont implantés au moyen de leurs puissantes compagnies pétrolières en s’appuyant sur l’Arabie saoudite pour des raisons énergétiques et indirectement géostratégiques pour assurer la   sécurité des routes pétrolières.

  • Le pilier iranien

Sur l’autre rive du Golfe, les Américains ont un autre allié, l’Iran. Au XIXème siècle, la Perse, ancien nom de l’Iran, a une frontière Russie et une avec l’Inde dans un contexte de choc des impérialismes russes et britanniques. Après trois guerres russo-persanes, l’Iran est amputé de plusieurs territoires comme on le voit sur la figure 6. Préserver l’indépendance de la Perse face à la Russie est essentiel aux yeux du Royaume Uni pour la sécurité de son empire des Indes[29].  Au début du XX e siècle, le pays se partage entre une zone d’influence russe centrée sur la Caspienne et une zone d’influence anglaise centrée sur la côte du Golfe en s’appuyant sur les tribus du Baloutchistan comme le montre la carte ci-dessous.

Les frontières et les zones d’influence en Perse

Reza Chah, fondateur de la dynastie Pahlavi en 1925, cherche à se soustraire de l’influence des Britanniques. Ces derniers contrôlent le pétrole par l’Anglo-Iranian Oil Company, nouveau nom de l’Anglo-Persian Oil Company qui avait aussi des intérêts au Qatar comme on l’a vu plus haut. Il cherche aussi à contrer l’influence de l’URSS avec qui il a une longue frontière et qui appuie les mouvements sécessionnistes azéries et kurdes. Pour moderniser son pays, il fait appel aux Allemands et aux Français.

La proximité de Reza Chah avec l’Allemagne nazie conduit à son renversement par les Anglo-américains au profit de son fils en 1941. En 1971, à l’Indépendance du Qatar, l’Iran est toujours gouverné par Mohammed Reza Pahlavi, fils de Reza Chah. C’est un souverain ouvertement pro-américain. Il faut savoir qu’en 1951, le Premier ministre, Muhammad Mossadegh, a nationalisé l’industrie pétrolière iranienne qui était contrôlée par l’Anglo-Persian Oil C° depuis 1913. Cela a provoqué des tensions avec les Britanniques. Sa volonté de mettre fin aux ingérences britanniques dans la politique iranienne a débouché sur un conflit avec le Chah qui s’est exilé en 1953. Quelques jours après son départ, l’opération Ajax, menée par les Américains en concertation avec les Anglais, a destitué le Premier ministre et le Chah est revenu.

Nous avons fait ce petit rappel, car le cas iranien montre deux choses :

– la géopolitique de la région était guidée au XIXème siècle par le désir de conquêtes territoriales. Elle est dictée par les intérêts pétroliers au siècle suivant.

– la région du Golfe qui était la chasse gardée des Britanniques est devenue celle de leurs alliés américains après la Deuxième Guerre mondiale.

A la différence de l’Arabie Saoudite, l’Iran borde le détroit d’Ormuz par lequel passent les pétroliers. C’est aussi l’État qui a le plus long littoral sur le Golfe. Côté arabe, le détroit est bordé par le Sultanat d’Oman. En 1971, c’est un pays très pauvre et encore dépourvu d’hydrocarbures. Le sultan Saïd ibn Taïmour, hostile aux réformes et à la modernisation, est détrôné au profit de son fils Qabous à l’instigation des Britanniques encore très influents dans le pays. Pour les Américains, il est évident que leur allié stratégique dans le Golfe est l’Iran, le « gendarme du Golfe ».[30]

La stratégie des États-Unis englobe tout le Golfe et pas seulement les deux puissances régionales. Pour le Qatar, qui à cette époque n’est pas une puissance militaire et ne dispose pas d’armement, il paraît difficile d’échapper au « parapluie américain ». Mais, le monde bipolaire des débuts de la guerre froide commence à se disloquer et de nouvelles puissances apparaissent ou plus exactement réapparaissent : le Japon sur le plan économique et la France sur le plan diplomatique et militaire.

  1. L’alternative française

Dès les années 1970, à l’échelle mondiale, la géopolitique n’est plus seulement un affrontement idéologique entre l’Occident et le monde communiste. Il faut tenir compte des rapports entre les pays exportateurs de pétrole et les pays consommateurs. Le Qatar appartient à la première catégorie et doit utiliser les revenus du pétrole pour son développement. La France appartient à la seconde catégorie et dispose de technologies et de compétences dont le Qatar a besoin. C’est donc un partenariat profitable pour les deux parties.

  • La France, une puissance majeure en 1971

Raymond Aron définit la puissance comme « la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités ». « Il s’agit donc à la fois pour un État de pouvoir garantir sa liberté d’action, et d’être capable de peser sur le comportement des autres dans le sens de ses intérêts » [31]. La puissance se mesure par plusieurs critères : puissance démographique, puissance économique, puissance technologique, puissance militaire. On considère également l’indépendance alimentaire et l’indépendance énergétique ainsi que l’influence politique et le rayonnement culturel.

Au 1er janvier 1971 la France comptait 51 millions d’habitants et c’était le cinquième pays le plus peuplé d’Europe. De 1945 à 1970, la France avait connu la période de croissance la plus rapide de son histoire, appelée les Trente Glorieuses. Sa croissance était de 6 % par an au début des années 1970. La France avait le PIB le plus élevé d’Europe après l’Allemagne. Elle occupait la quatrième place des exportateurs mondiaux et avait un commerce extérieur excédentaire.

La France avait modernisé son agriculture, ce qui lui permettait d’avoir une sécurité alimentaire et d’exporter des produits agro-alimentaires. Comme ses industries traditionnelles, la sidérurgie et le textile, étaient en crise, elle développait ses industries de pointe, en particulier l’aéronautique civile et militaire ainsi que l’industrie spatiale, le nucléaire civil et militaire, mais aussi l’industrie parapétrolière. La France était déjà le deuxième exportateur mondial de technologie pétrolière derrière les États-Unis.[32] C’était donc une nation avancée du point de vue technologique. En outre, elle disposait d’entreprises compétitives capables de contribuer au développement du Qatar dans le domaine des infrastructures de transports grâce à ses grandes entreprises de travaux publics. On peut en conclure que la France était un partenaire solide capable de répondre aux besoins de développement du Qatar dans plusieurs domaines.

Sur le plan énergétique, la France avait une relative indépendance grâce à l’hydroélectricité, développée dès le début du XXe siècle, et aux perspectives de production d’électricité nucléaire. En 1955, un projet commun entre le CEA et Électricité de France (EDF) avait été lancé pour développer le premier réacteur nucléaire entièrement français, Marcoule, et en 1963 un premier réacteur commercial avait été raccordé au réseau de Chinon. Dix ans plus tard, après le choc pétrolier, le gouvernement français fera le choix de l’énergie nucléaire. En effet, la France n’exploitait que très peu d’hydrocarbures sur son sol. Toutefois, elle possédait une des grandes compagnies multinationales du secteur, la Compagnie Française des Pétroles (CFP) qui devient ensuite Total, et un centre de recherche de rayonnement mondial, l’Institut français des pétroles (IFP). C’était donc un atout pour le développement de relations avec le Qatar.

Les mines de charbon françaises commençaient à s’épuiser. Elles fournissaient de l’énergie, mais servaient aussi pour la chimie. La compagnie nationale Charbonnages de France (CdF) s’était reconvertie vers la chimie. Cela lui donnait une expertise dans le domaine des engrais et des matières plastiques et correspondait au projet du Qatar de développer une industrie pétrochimie. CdF – chimie est chronologiquement un des premiers partenaires industriels français du Qatar.

  • La politique de grandeur de la France

Au nom d’une « certaine idée de la France, le général de Gaulle définit deux priorités : d’une part, la France doit être indépendante d’influences extérieures, et garder quoiqu’il arrive sa liberté de manœuvre en matière de politique étrangère, d’autre part, la France a vocation à mener une politique étrangère d’envergure mondiale. »[33]

Pour le général de Gaulle, « la conduite des affaires de la France en matière internationale exclut qu’elle se laisse prendre en remorque par qui que ce soit d’extérieur. »[34] et il considère que la France a eu tort dans l’entre-deux-guerres de perdre l’initiative en faisant dépendre sa politique extérieure de l’accord des Britanniques. Sa politique extérieure repose sur des principes clairs : l’indépendance nationale ; le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; la nécessité de créer un monde multipolaire au lieu du monde bipolaire de la guerre froide. Ces principes sont partagés par le Qatar. De plus, de même que le Qatar ne rejette pas le « parapluie américain », la France ne désire pas rompre avec le camp atlantiste malgré les brouilles franco-américaines.

Le Général de Gaulle qui a compris l’importance des pays émergents a développé une politique arabe active[35] après la Guerre des Six Jours de 1967. On peut dire que son successeur Georges Pompidou, président à partir de 1969, est son héritier pour la politique extérieure et que la France va profiter de l’héritage gaullien pour s’implanter dans les nouveaux états du Golfe. Le Qatar va se rapprocher de la France qui de son côté cherche de nouveaux marchés et veut s’affirmer au Moyen-Orient. En effet, elle a non seulement une proximité géographique et historique avec le Maghreb, mais aussi dans l’Orient arabe des liens anciens et privilégiés avec le Liban et la Syrie. En revanche, elle a été jusqu’alors peu présente dans la péninsule Arabique et le Golfe dont la richesse en hydrocarbures a modifié le poids géopolitique, car le pétrole, qui a fait passer la région de la pauvreté à la richesse, peut devenir une arme en jouant sur la production et les cours du brut. On le verra deux ans plus tard avec le choc pétrolier de 1973.

La puissance diplomatique et la puissance militaire de la France sont liées. La politique militaire française est un instrument au service de la politique étrangère de la France. La France reste une des premières puissances militaires mondiales. Elle a procédé en 1960 au Sahara aux premiers essais d’une bombe nucléaire qu’elle a mise au point avec ses propres ressources scientifiques. Disposer de l’arme nucléaire lui donne une force de dissuasion qui la met à l’abri à la fois de la menace soviétique et de l’hégémonie américaine[36]. La France a aussi une industrie d’armement puissante et peut fournir au Qatar les armes de qualité dont il a besoin pour assurer sa sécurité. Elle peut aussi grâce à ses écoles militaires réputées former les cadres de l’armée qatari, ses officiers et ses techniciens.

Dès 1972, le Qatar ouvre une ambassade à Paris et la France une ambassade à Doha. Alors qu’au début des années 1970, les petits États recherchent la protection de l’hyperpuissance américaine, la stratégie du Qatar est d’éviter une trop grande dépendance envers son ancienne puissance coloniale en perte de vitesse et surtout envers les États Unis. Tout en ne rejetant pas l’alliance américaine, le Qatar se tourne vers la France qui a de nombreux atouts et occupe une place importante dans le monde. C’est le début d’une relation étroite entre les deux pays qui ont des intérêts communs et des convergences de point de vue.

Conclusion 

A la question pourquoi le nouvel État, au lieu de se tourner vers son ancienne puissance coloniale ou vers les États-Unis, a développé ses liens avec la France, on peut répondre que plusieurs facteurs ont contribué à la naissance d’une relation privilégiée avec la France dès le début de l’indépendance du Qatar.  Les principaux sont :

– des intérêts croisés : besoin de sécurité stratégique pour le Qatar contre besoin de sécurité énergétique pour la France ; besoin de technologie et d’infrastructures pour le Qatar contre besoin de marchés et de contrats pour la France.

– « une compatibilité et une cohérence entre la politique étrangère des deux pays et les positions convergentes dans de nombreux dossiers internationaux, la rencontre du Qatar et de la France sur de très nombreux sujets politiques » [37] selon un universitaire qatari. On peut le formuler autrement comme le fait un diplomate français : « La France et le Qatar partagent de puissantes valeurs communes : respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, diplomatie ouverte permettant de discuter avec tous les acteurs internationaux, volonté de construire des partenariats équilibrés à long terme. Les deux pays se veulent puissances d’équilibre. » [38] Les deux pays se rejoignent, en effet, sur le rejet d’un monde bipolaire au profit d’un monde multipolaire et sur la volonté de mener une politique extérieure autonome.

– les réticences du Qatar vis-à-vis des Britanniques et des Américains pour des raisons liées à l’histoire et à la géopolitique régionale compte tenu des relations avec Bahreïn et du voisinage de l’Arabie Saoudite et de l’Iran. Cela a poussé le nouvel État à diversifier ses alliances, tandis que la France a profité d’un certain désintérêt des États Unis en suivant l’analyse d’un homme d’affaires français:  « Alors que les USA n’étaient intéressés que par le pétrole (les ressources de gaz n’étaient pas bien identifiées à cette époque) et ne sont pas intéressés au Qatar, la France a vu l’opportunité de créer un partenariat important dans une zone où elle était peu présente et de pouvoir participer au développement du pays. »[39]

– la puissance démographique, économique, technologique et militaire de la France à la fin des années 1960 ; la poursuite de la politique étrangère et de la politique arabe du général de Gaulle par le Président de la République qui lui a succédé. « Rappelons que la France est un des 5 membres permanents du Conseil de sécurité et que son influence est universelle » comme le souligne un diplomate qatari[40], tandis qu’un de mes interlocuteurs français considère que la diplomatie qatarie vers la France a pour objectif politique de « pouvoir bénéficier d’un acteur majeur membre du Conseil de sécurité. »[41]

Pour résumer, on peut dire que le Qatar a bénéficié du soutien de la France dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant, dans un contexte moyen-oriental où les intérêts de la France « sont défendus par une présence française visible, héritière de la « politique arabe » impulsée par le général de Gaulle dans les années 1960 et qui visait à̀ remettre à̀ plat des relations tendues entre la France et les pays arabes. Cette politique permet à̀ la France de reprendre pied dans la région comme puissance alternative entre les deux blocs de la guerre froide en proposant un soutien sans conditions à certains régimes arabes afin de sécuriser l’accès aux ressources énergétiques et trouver un débouché à l’industrie française d’armement »[42]

 

[1] Alexandre Sheldon-Duplaix, « L’Iran, gendarme du Golfe ? », in : DSI (Défense et Sécurité Internationale), No 146 (Mars – Avril 2020), pp. 42-49 (8 pages)

[2] Que recouvre la notion de puissance en relations internationales ?

https://www.vie-publique.fr/fiches/269789-que-recouvre-la-notion-de-puissance-en-relations internationales

[3] https://www.ecologie.gouv.fr/ressources-en-hydrocarbures-france

[4] https://www.charles-de-gaulle.org/lhomme/dossiers-thematiques/place-de-france-monde-1944-1969/

[5] Jacques Vernant, « Le général de Gaulle et la politique extérieure » in Politique étrangère, n°6 – 1970. pp. 619-629, consulté en ligne sur https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1970_num_35_6_2077

[6] Paul-Marie de La Gorce, « La politique arabe du Général de Gaulle », in : La Politique étrangère du général de Gaulle, sous la direction de Élie Barnavi et Saul Friedländer, Presses Universitaires de France, 1985

[7] André Eshet, « Aspects stratégiques de la politique étrangère gaullienne », in : La Politique étrangère du général de Gaulle, sous la direction de Élie Barnavi et Saul Friedländer, Presses Universitaires de France, 1985

[8] Entretien en février 2023 avec un universitaire qatari spécialiste de sciences politiques

[9] Entretien en octobre 2022 avec un diplomate français

[10] Entretien en février 2023 avec un homme d’affaires français ayant eu auparavant des fonctions militaires et diplomatiques.

[11] Entretien en octobre 2022 avec un diplomate qatari

[12] Entretien cité dans la note 33

[13] Héloïse Fayet, « Quelle posture stratégique pour la France au Moyen-Orient ? », Études de l’IFRI, novembre 2022

[14] On trouvera un résumé détaillé en français des relations entre l’Iran et le Royaume Uni dans Shahâb Vahdati, « Retour sur les relations bilatérales entre l’Iran et la Grande-Bretagne de l’époque safavide à nos jours », in : La revue de Téhéran, N° 124, mars 2016

[15] Citation de Emmanuel Decaux, voir note 11

[16] Steven Ekovich, « L’Arabie saoudite et les États-Unis : une alliance ambivalente et pérenne », in : Confluences Méditerranée, 2016/2 (N° 97), pp. 101 à 116

[17] Mohammad-Reza Djalili, « L’armée et la politique : le cas de l’Iran », Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien, année 1999, N° 27

[18] Ibidem

L’Iran à cette époque est appelé à devenir une puissance économique majeure.  C’est aussi une puissance militaire qui a modernisé son armée à partir de 1955 et a intensifié cette modernisation dans la décennie 1960. « Les forces armées iraniennes auront une dimension et un degré de qualification remarquable par rapport aux autres pays de la région (…). »[19] L’armée iranienne « possédait les armes offensives et défensives les plus sophistiquées de l’époque ».[20] Les prétentions iraniennes sur Bahreïn et l’occupation des îles de Grande Tomb, Petite Tomb et Abu Moussa par l’Iran ne pouvaient que rendre le Qatar méfiant envers ce puissant allié des États Unis.

Les relations entre le Qatar et l’Arabie saoudite sont compliquées. On pourrait penser que les deux voisins sont automatiquement alliés. En effet, la dynastie des Al Thani est issue des Banu Tamim, tribu prestigieuse dont est aussi issu le réformateur religieux Muhammad ibn Abd al-Wahhab, fondateur du wahhabisme et soutien des Saoud. Les deux pays sont majoritairement wahhabites et en 1902 Jassim ibn Mohammad Al-Thani recherche l’alliance d’Ibn Saoud pour se défendre contre l’émir d’Abou Dhabi, malékite et ennemi des wahhabites. Mais, les relations entre Ibn Saoud et le Qatar se dégradent et à la veille de la Deuxième guerre mondiale, Ibn Saoud a l’intention d’annexer le Qatar à son royaume. Déjà sous le Deuxième État saoudien (1824-1891) les Saoud exigeaient que les habitants du Qatar leur payent un tribut et se heurtaient à la résistance des tribus de la péninsule qatarie. Ainsi le Qatar, a dû se défendre d’attaques saoudiennes et des prétentions de ce voisin expansionniste, comme on le voit sur la figure 5.

Figure 5 : Les revendications frontalières saoudiennes au XXe siècle

[21] Mohammad-Reza Djalili, « L’armée et la politique : le cas de l’Iran », Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien, année 1999, N° 27

[22] Ibidem

L’Iran à cette époque est appelé à devenir une puissance économique majeure.  C’est aussi une puissance militaire qui a modernisé son armée à partir de 1955 et a intensifié cette modernisation dans la décennie 1960. « Les forces armées iraniennes auront une dimension et un degré de qualification remarquable par rapport aux autres pays de la région (…). »[23] L’armée iranienne « possédait les armes offensives et défensives les plus sophistiquées de l’époque ».[24] Les prétentions iraniennes sur Bahreïn et l’occupation des îles de Grande Tomb, Petite Tomb et Abu Moussa par l’Iran ne pouvaient que rendre le Qatar méfiant envers ce puissant allié des États Unis.

Les relations entre le Qatar et l’Arabie saoudite sont compliquées. On pourrait penser que les deux voisins sont automatiquement alliés. En effet, la dynastie des Al Thani est issue des Banu Tamim, tribu prestigieuse dont est aussi issu le réformateur religieux Muhammad ibn Abd al-Wahhab, fondateur du wahhabisme et soutien des Saoud. Les deux pays sont majoritairement wahhabites et en 1902 Jassim ibn Mohammad Al-Thani recherche l’alliance d’Ibn Saoud pour se défendre contre l’émir d’Abou Dhabi, malékite et ennemi des wahhabites. Mais, les relations entre Ibn Saoud et le Qatar se dégradent et à la veille de la Deuxième guerre mondiale, Ibn Saoud a l’intention d’annexer le Qatar à son royaume. Déjà sous le Deuxième État saoudien (1824-1891) les Saoud exigeaient que les habitants du Qatar leur payent un tribut et se heurtaient à la résistance des tribus de la péninsule qatarie. Ainsi le Qatar, a dû se défendre d’attaques saoudiennes et des prétentions de ce voisin expansionniste, comme on le voit sur la figure 5.

Figure 5 : Les revendications frontalières saoudiennes au XXe siècle

[25] Mohammad-Reza Djalili, « L’armée et la politique : le cas de l’Iran », Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien, année 1999, N° 27

[26] Ibidem

L’Iran à cette époque est appelé à devenir une puissance économique majeure.  C’est aussi une puissance militaire qui a modernisé son armée à partir de 1955 et a intensifié cette modernisation dans la décennie 1960. « Les forces armées iraniennes auront une dimension et un degré de qualification remarquable par rapport aux autres pays de la région (…). »[27] L’armée iranienne « possédait les armes offensives et défensives les plus sophistiquées de l’époque ».[28] Les prétentions iraniennes sur Bahreïn et l’occupation des îles de Grande Tomb, Petite Tomb et Abu Moussa par l’Iran ne pouvaient que rendre le Qatar méfiant envers ce puissant allié des États Unis.

Les relations entre le Qatar et l’Arabie saoudite sont compliquées. On pourrait penser que les deux voisins sont automatiquement alliés. En effet, la dynastie des Al Thani est issue des Banu Tamim, tribu prestigieuse dont est aussi issu le réformateur religieux Muhammad ibn Abd al-Wahhab, fondateur du wahhabisme et soutien des Saoud. Les deux pays sont majoritairement wahhabites et en 1902 Jassim ibn Mohammad Al-Thani recherche l’alliance d’Ibn Saoud pour se défendre contre l’émir d’Abou Dhabi, malékite et ennemi des wahhabites. Mais, les relations entre Ibn Saoud et le Qatar se dégradent et à la veille de la Deuxième guerre mondiale, Ibn Saoud a l’intention d’annexer le Qatar à son royaume. Déjà sous le Deuxième État saoudien (1824-1891) les Saoud exigeaient que les habitants du Qatar leur payent un tribut et se heurtaient à la résistance des tribus de la péninsule qatarie. Ainsi le Qatar, a dû se défendre d’attaques saoudiennes et des prétentions de ce voisin expansionniste, comme on le voit sur la figure 5.

Figure 5 : Les revendications frontalières saoudiennes au XXe siècle

[29] Annie Montigny-Kozlowska, « Les lieux de l’identité des Âl Naʻîm de Qatar », in : Monde Arabe 1989/1 (N° 123), pp 132-143

[30] Emmanuel Decaux, « Affaire de la délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn, Fond (arrêt du 16 mars 2001 Qatar c. Bahrein) », in : Annuaire Français de Droit International, année 2001 (47), pp. 177-240

[31] Ibid.

[32] Deux articles de l’hebdomadaire français Le Point évoquent cette affaire : « Le Qatar a-t-il spolié Bahreïn de milliards de mètres cubes de gaz ? » le 03/11/2021 et « Bahreïn dépouillé par le Qatar ? Une enquête ouverte à Manama » le 18/11/2021 par le même journaliste qui écrit depuis Manama et n’expose pas le point de vue du Qatar. Les titres malgré les points d’interrogation et les contenus de ces articles sont très hostiles au Qatar, mais ils comportent des erreurs et citent les propos du juriste mentionné dans la note 11 en les déformant.

[33] « L’île Abu Musa appartient à Sharjah, et cela a été confirmé à plusieurs occasions par le gouvernement britannique, et de façon très claire ». Document des archives des E.A.U. Mémorandum sur l’île d’Abu Musa appartenant à l’émirat de Sharjah, août 1971. 1971 FO 1016/913 pp 93-99.

[34] Déclaration publiée par le ministère des Affaires étrangères de l’État du Qatar sur l’occupation des îles du Golfe par l’Iran, 2 décembre 1971. 1971 FCO 8/1776 pp 8-9.

[35] Déclaration publiée par la Cour Royale saoudienne sur l’occupation des îles du Golfe par l’Iran, 2 décembre 1971. 1971 FCO 8/1776 p. 66.

[36] Mohammad-Reza Djalili, « L’armée et la politique : le cas de l’Iran », Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien, année 1999, N° 27

[37] Ibidem

 

 

[38] Le colonel Pelly était le « Political Resident in Persian Gulf ». Il était basé à Busheir sur la côte iranienne.

[39] Anie Montigny-Kozlowska, « Histoire et changements sociaux au Qatar », in Paul Bonnenfant (dir.), La péninsule arabique aujourd’hui. Tome II, Editions du CNRS

[40] Jérôme Lavandier, « Le Qatar : une volonté au prisme de l’histoire », in : Confluences Méditerranée 2013/1 (N° 84), pp 17 -28

[41] ibid.

[42] Lettre du capitaine Prideaux au Résident britannique

[43] Pierre Rondot, « Avec le retrait des troupes britanniques, les petits souverains du golfe Persique sont placés devant des choix difficiles », in Le Monde diplomatique, mars 1968

[44] Ce terme, formé sur le modèle de kingdom n’a pas d’équivalent en français. On le traduit généralement par émirat ou principauté.

[45] Jérôme Lavandier, « Le Qatar : une volonté au prisme de l’histoire », in : Confluences Méditerranée 2013/1 (N° 84), pp 17 -28

[46] Laure Masson, Créer la ville de Dubai : pouvoir tribal et aménagement urbain face au défi de la mondialisation, thèse sous la direction de Fabrice Balanche, Université de Lyon, 2021.

[47] Ce document historique est aujourd’hui exposé à la Bibliothèque nationale du Qatar à Doha

[48] Jean Fourastié, Les Trente Glorieuses ou la révolution invisible, Fayard, 1979

[3] Jacques Vernant, « Le général de Gaulle et la politique extérieure » in Politique étrangère, n°6 – 1970. pp. 619-629, consulté en ligne sur https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1970_num_35_6_2077

[49] Muhammad Abdul Nayeem, Qatar Prehistory and Protohistory from the Most Ancient Times, Hyderabad Publishers,1998

[50] Jacques Tixier (dir.), Mission archéologique française à Qatar 1976-77, 1977-78, 1980 et Préhistoire à Qatar, 1988, Éditions du CNRS/ Ministère de l’information du Qatar

[51] Frances Gillespie, Discovering Qatar, Medina Publishing Ltd, 2016

[52] Qatar News Agency, 2 mars 2022

[53] https://www.facebook.com/NMOQatar/videos/309489516336592/

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