Pour marquer ses cent premiers jours à Matignon, le premier ministre, Gabriel Attal, était dans l’Essonne, jeudi 18 avril, pour dévoiler son « plan » visant à replacer « l’autorité au cœur de la République ». De Viry-Châtillon – ville ébranlée récemment par la mort de Shemseddine, 15 ans, battu jusqu’à ce que mort s’ensuive près de son collège –, le chef du gouvernement a appelé à un « sursaut d’autorité » dans une « République qui contre-attaque ».
Il a donné « huit semaines » pour faire aboutir le « travail collectif » de concertation demandé par le président de la République, Emmanuel Macron, sur la violence des jeunes, avec « un point d’étape central dans quatre semaines ». « La culture de l’excuse, c’est fini », a-t-il lancé, avant de reprendre la formule énoncée durant sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale fin janvier : « Tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter. »
Parmi ses annonces, M. Attal a fait savoir que « tous les collégiens seront scolarisés tous les jours de la semaine, entre 8 heures et 18 heures, à commencer par les quartiers prioritaires et les réseaux d’éducation prioritaires ». Il est également revenu sur ces « dizaines de milliers de places en internat désespérément vides » en souhaitant qu’un jeune puisse être « envoyé en internat loin de son quartier et de ceux qui le poussent à plonger », « avant qu’il ne tombe vraiment dans la délinquance ».
Des mesures de « bon sens »
Appelant à un retour « de la culture du civisme », citant le général de Gaulle durant son discours, M. Attal a plaidé pour des mesures « simples, concrètes, de bon sens » en listant certaines d’entre elles : « Se lever dès qu’un professeur rentre dans la classe, faire participer l’ensemble des élèves dès le plus jeune âge aux tâches communes au sein de leur établissement scolaire. » Le chef du gouvernement souhaite aussi que les parents des élèves « signent avec les établissements scolaires à chaque rentrée un contrat qui rappellera les droits et obligations de chacun ». Ce contrat « pourra ouvrir à des sanctions » contre les parents « en cas de dérive de leur enfant, en cas de défaut manifeste d’assiduité, en cas de non-participation des parents à l’éducation de leurs enfants », a-t-il déclaré.
Vis-à-vis des élèves qui « défient l’autorité, dégradent ou menace », M. Attal estime que « cela ne doit jamais rester sans conséquences ». Il s’est ainsi dit « favorable », concernant ceux qui « perturbent le plus gravement » les cours, à ce qu’ils « se voient sanctionner sur leur brevet, leur CAP, leur bac, et qu’une mention soit apposée sur leur dossier Parcoursup ». Sur le volet judiciaire, le chef du gouvernement s’est dit prêt à ouvrir le débat sur des « atténuations à l’excuse de minorité » dans les condamnations pénales et sur la possibilité de « mettre en place une comparution immédiate devant le tribunal pour les jeunes à partir de 16 ans, de sorte qu’ils aient à répondre de leurs actes immédiatement comme les majeurs ».
« Isolement » et « individualisme »
« Que voit-on aujourd’hui ? L’autorité et la règle sont trop souvent défiées par certains jeunes », a-t-il fustigé dès le début de son discours, avant d’ajouter : « Cela nous rappelle ce sentiment qu’une partie de nos adolescents glisse lâchement dans une forme d’isolement, d’individualisme et parfois même vers le pire, vers une forme de violence déchaînée, morbide, sans règles. » « Comment expliquer ce glissement d’une partie de notre jeunesse ? Comment accepter qu’on s’en prenne à un proviseur, à un jeune garçon parce qu’il parle avec une fille ? (…) Comment accepter qu’on touche, on salisse, qu’on s’en prenne à ce qu’il y a de plus sacré en République ? », a-t-il interrogé de Viry-Châtillon.
Dénonçant une « spirale d’affaiblissement de l’autorité » et un « déferlement de violence », M. Attal a constaté qu’on « fait rarement grève contre l’incivilité. On ne fait pas souvent de grandes manifs pour l’autorité à l’école, on ne fait pas de mouvement social contre la violence ». « Et pourtant les Français ne supportent pas, ou plutôt ne supportent plus qu’on puisse s’affranchir de la règle commune », a-t-il poursuivi.
M. Attal estime également qu’il faut « veiller à la question des écrans et de l’addiction aux écrans, aux réseaux sociaux aussi ». Il a en particulier affiché une nouvelle fois son ambition de « réguler l’usage des écrans » en souhaitant faire appliquer la proposition de loi portée par le président du groupe Horizons à l’Assemblée, Laurent Marcangeli, de fixer la majorité numérique à 15 ans. Il souhaite aussi la reprise au Parlement d’un texte porté par les députés Annie Genevard (LR) et Antoine Vermorel (LR), visant à « interdire l’usage des écrans en crèche ».
Durant son discours, le premier ministre a dénoncé « l’entrisme d’idéologies contraires à la République » qui « nous met à l’épreuve », évoquant notamment le « racisme islamiste qui va croissant et contre lequel nous devons lutter sans relâche ». « Il n’est pas question que l’idéologie religieuse vienne contester la loi dans les quartiers. Pas question que des jeunes filles ne soient pas libres de s’y promener sans voile si elles le souhaitent, qu’un jeune garçon ne puisse pas manger ce qu’il souhaite quand il le souhaite », a-t-il rappelé.
Le premier ministre a ensuite évoqué les opérations antidrogues, baptisés « place nette XXL » par le gouvernement, estimant que « lutter contre la dérive d’une partie de notre jeunesse, c’est lutter contre le trafic de drogue ». « Près de 8 500 personnes ont été interpellées. Plus de 13,5 millions d’euros ont été saisis, ainsi que 3,7 tonnes de cannabis », a-t-il précisé.