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Cinéma : « Le Tableau volé », une fable façon puzzle

Pascal Bonitzer signe un film en forme de fable réaliste et attachante, avec Alex Lutz dans le rôle d’un commissaire-priseur pas commode.

Alex Lutz incarne André Masson, commissaire- priseur.
Alex Lutz incarne André Masson, commissaire- priseur. (Crédits : © LTD / SBS PRODUCTIONS/PYRAMIDE FILMS)

Le tableau volé

« D’après une histoire vraie », la formule revient régulièrement en tête de générique des films à l’affiche. Comme si les scénaristes et les cinéastes avaient peur d’être accusés d’invraisemblance chronique par des spectateurs cartésiens au dernier degré. Le Tableau volé, le nouveau film écrit et réalisé par Pascal Bonitzer (à qui l’on doit notamment les très réussis Petites Coupures et Cherchez Hortense), n’échappe pas à la règle. Il s’agit de l’incroyable histoire absolument véridique d’un tableau volé par les nazis à un collectionneur juif puis donné à un collaborateur français en guise de récompense pour ses bons et loyaux services, et retrouvé des décennies plus tard dans la maison de ce dernier à la suite de son décès.

Et pas n’importe quel tableau, s’il vous plaît : une version très sombre des fameux Tournesols de Van Gogh peints cette fois par l’artiste autrichien Egon Schiele, plus connu pour ses autoportraits et pour ses nus féminins aux corps souvent décharnés. Cerise sur le gâteau : le tableau fut retrouvé par un jeune ouvrier chimiste qui ne voulut pas devenir le receleur d’un bien spolié. Pascal Bonitzer s’est montré très fidèle à tous ces éléments, afin de mieux alimenter une part de fiction grâce à la caractérisation des différents protagonistes de cette ténébreuse affaire.

 

On connaît en effet le goût de ce réalisateur pour les acteurs, lui qui dirigea précédemment Luchini, Auteuil, Baer, Lacoste et quelques autres. Ici, Alex Lutz campe un commissaire-priseur qui se déplace en voiture de sport haut de gamme et fait preuve d’une arrogance à toute épreuve. Très à son aise  comme toujours au cinéma, Lutz défend son personnage en faisant surgir des faiblesses et des failles. Face à lui, son assistante incarnée à la perfection par Louise Chevillotte. Ces deux-là composent un tandem d’autant plus savoureux qu’ils sont comme chien et chat.

L’une se révèle aussi menteuse que douée pour ses premiers pas dans son métier, tandis que l’autre affiche sa morgue pour mieux devenir, finalement, un mentor admiratif. Les scénaristes d’une comédie américaine n’auraient pas fait mieux. Et Pascal Bonitzer joue avec brio de ce duo aussi charmant qu’irritant. Mais le film ne s’arrête pas en si bon chemin, gardant à l’esprit le fait divers dramatique dont il s’inspire. La spoliation des œuvres d’art sous l’Occupation ne passe jamais au second plan : l’histoire de ce tableau volé n’est pas un alibi. Bonitzer démonte les mécanismes de ce passé qui à la fois ne passe pas et remonte à la surface dans des conditions invraisemblables.

Tout converge vers la composition d’un tableau

Il décrit alors une sorte de choc culturel entre le milieu prolétaire, dans l’est de la France, où fut découvert le tableau, et le monde notamment parisien du commerce de l’art. Tout les sépare, même si la beauté et la peinture semblent un temps les réunir. Mais Bonitzer n’est pas dupe. Observateur avisé  dans ses films précédents de la désillusion en politique (Petites Coupures), des difficultés de la solidarité (Cherchez Hortense) ou bien encore des errements de la finance internationale (Tout de suite maintenant ), il décrit avec ce nouveau film un milieu où se mêlent l’argent, le commerce, la spéculation et l’art.

On y croise quelques requins, des héritiers avisés mais honnêtes cependant, des professionnels sans scrupule et d’autres plus irréprochables. Un concentré d’humanité en quelque sorte que le film rend dans ses moindres complexités. Sans oublier de dresser un état des lieux sentimentaux. C’est d’ailleurs la force du scénario de Bonitzer : explorer des ramifications multiples comme cette relation fascinante car presque toxique à force de non-dits entre un père (l’impeccable Alain Chamfort) et sa fille (Louise Chevillotte).

On pourrait croire qu’il s’agit là d’un récit annexe, sans rapport avec le propos du film. Mais à bien y regarder, tout converge en fait vers la composition d’un tableau : à la fin du film, tout s’éclaire, chaque personnage occupe sa place, chaque élément disparate fait sens, toutes les parties de l’histoire s’assemblent à la façon d’un puzzle. Pour nous raconter l’histoire passionnante de ce tableau volé, Pascal Bonitzer a pris soin, en conteur avisé, de nous prendre par la main et de nous conduire à travers des chemins plus ou moins escarpés vers une résolution presque apaisée. Entre-temps, il aura sans cesse tenu notre attention en éveil : une histoire vraie ? Oui, mais dite par un raconteur surdoué.

Le Tableau volé, de Pascal Bonitzer, avec Alex Lutz, Léa Drucker, Louise
Chevillotte, Nora Hamzawi. 1h41. Sortie mercredi.

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