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Comment les pays du Golfe tirent parti de la guerre en Ukraine

Un an après le début du conflit, l’Arabie saoudite et le Qatar figurent parmi les principales alternatives à la Russie pour fournir l’Occident en hydrocarbures. Malgré la baisse des prix du pétrole et du gaz depuis l’été 2022

La raffinerie de Ras Tanura, en Arabie saoudite, en mai 2018, est exploitée par le géant pétrolier Saudi Aramco. — © REUTERS/Ahmed Jadallah
La raffinerie de Ras Tanura, en Arabie saoudite, en mai 2018, est exploitée par le géant pétrolier Saudi Aramco. 

Un an après l’invasion en Ukraine, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont drastiquement augmenté leur livraison d’hydrocarbures à l’Europe. L’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït sont devenus des incontournables pour le pétrole, brut et raffiné, tandis que le Qatar est courtisé pour son gaz naturel. Les sanctions occidentales qui pèsent sur les sources d’énergie russes leur offrent de nouvelles parts de marché.

En 2022, les livraisons de brut des pays du Golfe ont augmenté de 12,7% sur un an, selon des données du cabinet financier Refinitiv, relayées dans un rapport, publié en janvier, de Banchero Costa, une entreprise de fret maritime présente à Genève. C’est plus que la moyenne mondiale de 8,5% cette même année.

Les pays européens se tournent d’autant plus vers ces fournisseurs que, depuis le 5 décembre, ils sanctionnent le brut russe. Depuis le 5 février, les carburants et combustibles de ce pays sont soumis au même traitement. L’Arabie saoudite, Oman et le Koweït construisent des raffineries pour pallier les manques que cela va créer, relève l’agence Bloomberg.

«2022, année positive»

De manière générale, «2022 a été une année positive pour le commerce de brut, et ce malgré la hausse des prix et des risques de récession», note le département de recherche de Banchero Costa. Les cours des hydrocarbures ont fluctué l’an dernier, le baril de Brent passant la barre des 100 dollars à fin février, pour ensuite retomber durant l’été. Les prix des hydrocarbures ont atteint un plus haut non égalé depuis 2013, note Kamco Invest, un cabinet financier basé au Koweït.

Avec la hausse des prix et des coûts de production stables, les pays du Conseil de la coopération du Golfe (organisation regroupant six monarchies: l’Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Emirats arabes unis et le Qatar) «ont [donc] engrangé des profits», indique Li-Chen Sim, la boursière non résidente au sein de l’institut du Moyen-Orient aux Etats-Unis, à Washington. Une bonne nouvelle pour leurs finances publiques, constituées à plus de 70% de revenus issus de l’or noir. Ce taux monte à 90% pour l’Arabie saoudite, selon le FMI.

La hausse des cours du brut en 2022 n’est toutefois pas uniquement due au conflit en Ukraine. Ils sont d’ailleurs de retour à leurs niveaux d’avant-guerre, à 86 dollars le baril de Brent. Les prix avaient déjà augmenté au dernier trimestre 2021, rappelle Li-Chen Sim. La reprise de l’économie après le confinement lié au covid a dopé la demande, mais «l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs dix alliés (OPEP+) est également responsable de cette situation», précise Junaid Ansari. Le responsable de la recherche et de la stratégie d’investissement chez Kamco Invest rappelle que le cartel a décidé de réduire sa production de brut malgré les demandes de l’Europe et des Etats-Unis de l’augmenter.

Ces sanctions n’ont pas uniquement eu un effet sur le commerce extérieur des pays du Golfe mais aussi sur l’économie interne de certains émirats. C’est le cas pour Dubaï, où «de nombreux négociants russes se sont installés, en raison de sa qualité de vie. Leurs familles les ont accompagnés, augmentant alors les achats immobiliers par des ressortissants russes», observe Li-Chen Sim.

Transformer l’économie

«Avant la guerre, entre 70 et 80% de la production du Golfe était vendue aux marchés asiatiques, et la majorité de la production d’or noir russe était destinée à l’Europe. Avec les sanctions, c’est le contraire qui se passe», relève la chercheuse au sein de l’institut du Moyen-Orient aux Etats-Unis. Les pays de la CCG livrent désormais le pétrole en Europe et la Russie écoule son brut en Asie. Le Vieux-Continent, plus riche, peut se permettre de payer plus cher pour obtenir des hydrocarbures. «Le Pakistan s’est déjà retrouvé en panne d’électricité car il n’a pas pu se procurer de carburant, les pays européens ayant offert un meilleur prix», explique Li-Chen Sim.

Le Qatar, quant à lui, possède près de 10% des réserves mondiales de gaz et a reçu en 2022 la visite de plusieurs dirigeants européens – dont le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz ou encore le conseiller fédéral Ueli Maurer – dans le but de négocier des accords de livraison de gaz naturel liquéfié (GNL). «Ce sont des contrats de longue durée, allant de quinze à vingt ans», précise Li-Chen Sim, sécurisant ainsi des revenus stables pour le Qatar durant de nombreuses années à partir de 2026, date à laquelle les projets d’extension du champ offshore North Field, le plus grand champ gazier du monde situé entre le Qatar et l’Iran, devraient être finalisés.

Ces mannes financières supplémentaires vont permettre aux économies du Golfe de diversifier plus rapidement encore leur économie, selon les experts interrogés: sur de grands projets touristiques, comme Neom, une ville futuriste planifiée par Riyad, ou sur «le renforcement du capital humain, en créant une économie basée sur les connaissances, tout en favorisant l’éducation des jeunes», estime Junaid Ansari. A court terme, les investissements se matérialisent dans «des prises de participation dans des entreprises occidentales, comme Tesla ou des clubs de football», relève Li-Chen Sim. Récemment, une banque saoudienne, la Saudi National Bank, a investi dans Credit Suisse, à hauteur de 10% du capital de l’établissement helvétique.

Une autre transformation possible vers une économie moins dépendante des énergies fossiles consisterait à se tourner vers des «exportations de produits chimiques, comme l’aluminium, le ciment et les engrais, grâce à une production dite «verte», alimentée par des panneaux solaires», suggère l’académicienne de l’institut du Moyen-Orient aux Etats-Unis. La guerre en Ukraine pourrait donc accélérer la transformation économique et énergétique des pétromonarchies.

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