L’Europe hausse de nouveau le ton face à la Chine. Sur fonds de tensions commerciales croissantes avec Pékin, l’Union européenne (UE) a ouvert ce mercredi une enquête sur les marchés publics chinois de dispositifs médicaux, soupçonnant des pratiques « discriminatoires » contre ses produits.
Bruxelles soupçonne la Chine de favoriser les fournisseurs locaux sur ce marché, via notamment la politique « acheter en Chine », selon l’avis d’ouverture de l’enquête publié au journal officiel (JO) de l’UE. Si ces mesures discriminatoires ne cessent pas, la procédure permettra à l’UE de pénaliser les entreprises chinoises dans les appels d’offres européens.
La Commission européenne accuse le géant asiatique de « favoriser l’acquisition de dispositifs médicaux et de services médicaux nationaux », de « restreindre l’achat de marchandises importées » et d’imposer dans ses procédures d’achats centralisés de dispositifs médicaux « des conditions conduisant à des offres (de prix) anormalement basses qui ne peuvent être supportées par des entreprises à but lucratif ».
Ces « mesures et pratiques restrictives à l’importation désavantagent de manière significative et systémique » les entreprises de l’Union européenne, estime la Commission européenne, selon l’avis publié mercredi.
Menace d’« exclusion totale » des entreprises chinoises
L’enquête devra désormais établir les faits dans un délai de neuf mois. La procédure prévoit des consultations avec les autorités chinoises pour qu’elles consentent à ouvrir leur marché. Il s’agit de la première procédure ouverte dans le cadre d’un nouveau mécanisme dont l’UE s’est dotée en 2022 pour obtenir l’accès aux marchés publics étrangers.
Si, au terme de l’enquête, l’UE ne parvient pas à obtenir de réciprocité, elle pourrait fortement majorer les offres des entreprises chinoises de dispositifs médicaux en Europe, ce qui les empêcherait de facto d’être compétitives.
Les sanctions peuvent même aller jusqu’à une « exclusion totale » des entreprises chinoises des marchés publics du secteur. L’Union européenne estime que ses appels d’offres publics sont ouverts à 95% à la concurrence du reste du monde, tandis que les entreprises européennes n’ont quasiment aucun accès aux marchés publics chinois.
La Chine accuse l’UE de protectionnisme
Pékin a accusé l’UE de « protectionnisme » en réponse à cette annonce. « L’UE se présente toujours comme le marché le plus ouvert du monde, mais tout ce que le monde extérieur voit, c’est qu’elle s’oriente progressivement vers le protectionnisme », a déclaré le porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.
« Nous demandons instamment à l’Europe de tenir sa promesse d’ouverture du marché et de concurrence loyale, de respecter les règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce NDLR) et de cesser d’utiliser la moindre excuse pour supprimer et restreindre » l’accès aux entreprises chinoises, a martelé Wang Wenbin.
« L’UE a souvent utilisé sa boîte à outils commerciale et ses mesures d’aide au commerce, mais celles-ci ne font qu’envoyer des signaux protectionnistes, ciblent les entreprises chinoises et nuisent à l’image de l’UE », a-t-il estimé.
Les procédures de l’UE se multiplient contre Pékin
Proclamant la fin de l’Europe naïve, Bruxelles a ouvert ces derniers mois une série de procédures visant Pékin dans différents domaines : automobile, ferroviaire, panneaux solaires et éolien.
Dans un autre cadre réglementaire, l’UE avait lancé en septembre une enquête sur les subventions publiques chinoises aux automobiles électriques, menaçant de relever les droits de douane sur ces produits afin de défendre l’industrie européenne face à des prix jugés « artificiellement bas ».
Mi-février, l’UE avait ciblé une filiale du constructeur ferroviaire chinois CRRC, numéro un mondial du secteur, poussant le groupe étatique, accusé de bénéficier de subventions, à se retirer d’un appel d’offres pour la fourniture de trains électriques en Bulgarie.
Le 3 avril, la Commission avait annoncé une enquête contre deux consortiums incluant des groupes chinois, candidats pour concevoir, construire et exploiter un parc photovoltaïque en Roumanie. Quelques jours plus tard, Bruxelles avait ouvert une enquête visant les fabricants d’éoliennes subventionnés par Pékin et soupçonnés de fausser le marché en Europe.